Après une brève discussion et d’un commun accord, c’est décidé, Chouchou va tenter de nous emmener là où quelques chanceux s’aventurent. Notre défi étant de relier l’Alaska et la Terre de Feu, nous partirons de tout en haut du continent. Une seule route permet de relier l’arctique au réseau routier de l’Alaska, c’est la Dalton Highway. Elle passe par le cercle polaire puis rejoint les gisements pétrolifères de Prudhoe Bay sur l’océan Arctique.
Nous savons ce qui nous attend : une piste caillouteuse de quelques 1 600 km, en aller-retour, aucune infrastructure, étapes rares, approvisionnements en essence et en nourriture difficiles, pas de logement.
Ouverte en 1974 en plein boom pétrolier pour que les camions puissent approvisionner Prudhoe Bay et les campements de construction de pipeline, la piste est empruntée chaque année par des milliers de « 18-wheelers » semi-remorque à 18 roues, voire davantage...
Nous voilà prévenus.
Bouffe : Ok
Diesel soit 125 litres ce qui nous fait une autonomie d’environ 1 000 km : Ok
Eau potable soit 60 litres : Ok
1 roue de secours plus des mèches pour réparer les pneus : Ok
Oubli : rouleaux de PQ. On pensait en avoir et bien non il n’en reste que 2... 🤔 On va prier ! 🙏
On protège l’arrière de Chouchou avec un drap housse car on a beau essayer de colmater les trous, la poussière à toujours tendance à s’immiscer subrepticement à l’intérieur.
Le ciel est bleu, la température est clémente A midi, il fait 24°. Pas de tempête prévue dans les prochains jours. « It’s now or never ». C’est parti pour quatre ou cinq jours d’aventure, pas davantage sinon c’est qu’il y a problème... 😟
Allez Chouchou, c’est maintenant qu’il faut que tu nous montres ce que tu as sous le capot et que tu prouves au monde entier que tu es le meilleur. 👍
En partant un dimanche on essaie de mettre toutes les chances de notre côté car on ose espérer que les routiers ne bossent pas le jour du seigneur ! 🙏 On éviterait ainsi les projections de graviers, au moins pour cette journée-là.
C’est parti !
On longe l’énorme pipeline trans-Alaska qui achemine le pétrole depuis la mer de Beaufort jusqu’à Valdez soit une distance de 1 280 km.
125 premiers km de bitume, c’est toujours ça de pris !
Par ici, les maisons sont tellement éloignées les unes des autres que les boîtes aux lettres sont rassemblées en bordure des routes principales pour simplifier la vie au facteur.
Un petit arrêt casse-croûte vers 13 heures 30. Et là, j’entends Eric qui jure, sans comprendre réellement ce qu’il dit.
« Un ours, un grizzli, un orignal, un loup, un renard, un coyote… Waouh » !
« Merde alors, il faut y retourner » !
« Mais retourner où » ?
« A Fairbanks, le bouchon du réservoir est resté sur la pompe »… 😮
Ce n’est pas grave, on n’est pas à 250 km près… Nous qui voulions dormir au cercle polaire ce soir, c’est peut-être compromis. Sitôt le repas terminé, on retourne à la pompe à essence en espérant que le bouchon n’a pas été embarqué car là, on serait vraiment dans la m.… Notre moral reste au beau fixe, comme le temps, quoi qu’il arrive et ce n’est pas l’oubli d’un petit bouchon qui va changer quelque chose !
On croise toutefois les doigts 🤞 pendant une heure et demie !
Verdict : c’est la délivrance 😁, il est toujours là, posé sur la pompe, il nous attend. Gros ouf de soulagement car s’agissant d’un bouchon spécial Chouchou type aéronautique, il nous aurait certainement fallu nous le faire expédier depuis la France par le préparateur qui a monté le réservoir supplémentaire.
Nous voilà reparti après avoir à nouveau fait le plein et rempli le réservoir d’eau (pour compenser celle utilisée au repas de midi).
De gros nuages noirs au-dessus de nos têtes, le ciel bleu tout autour, des forêts entières de spruces (des arbres qui me font penser à des flèches tournées vers le ciel), quelques gouttes de pluie fort appréciées.
Au bout de 125 km, la route goudronnée fait place à une piste caillouteuse.
La Dalton Higwhay n’est pas un long fleuve tranquille, parfois étroite et sinueuse, elle franchit plusieurs cols aux pentes sévères. Eric, maître de la situation (pour le moment), évite consciencieusement les nids de poule fréquents sur certains tronçons. Il ralentit lorsqu’on croise un mastodonte de camion. On préfère éviter les graviers projetés qui peuvent faire facilement exploser notre pare-brise.
Le décor change à l’approche du cercle polaire. Les arbres à flèches font place à des épicéas chargés de mousse, puis à la toundra arctique, composée de petits arbustes. Tout n’est qu’immensité et démesure. Des milliers d’hectares d’espace vierge s’offrent à notre regard de touriste. On parcourt des centaines de km dans une nature préservée. Parfois, sur quelques centaines de mètres, on côtoie l’immense serpent argenté qui nous rappelle que des milliers de camions empruntent cette piste tous les ans !
Une vraie douche en plein soleil, à 9 heures du soir, il faut nous faire beau et propre pour THE PHOTO 😌 pour Chouchou, c’est autre chose, il est plein de boue mais malheureusement pour lui, ce ne sera pas pour aujourd'hui.
L’excitation monte au fur et à mesure que nous approchons du cercle polaire arctique (66°33’ de latitude nord). 5, 4, 3, 2, 1 ✌️ On y est… on sait… c’est symbolique ! En ce jour 30 juillet de l’an de grâce 2017, à 21 heures 30, nous sommes au cercle polaire ! Il fait 26°, il n’y a pas de moustique, le soleil brille et brillera encore quelques heures et nous sommes seuls devant ce fameux panneau photographié par quelques chanceux.
Un camping rudimentaire se trouve « sur le cercle » et va nous accueillir pour la nuit. Pas d’enveloppe pour le paiement cette fois-ci, les emplacements sont mis gracieusement à disposition de ceux qui s’aventurent jusque-là ! Sympas les américains ! 😍
L’apéro et les spaghettis bolognaises nous permettent d’attendre sereinement le soleil de minuit. J’adore ! J’ai toujours l’impression que je fais la sieste ! Eric un peu moins, il a besoin de son masque pour trouver le sommeil. 😴
Une heure du matin, des voix, des rires, des mots espagnols. Des motards mexicains s’installent à côté de nous. Olé !
Vers 7 heures, il se met à pleuvoir. On attend que ça se calme pour descendre de notre roof-tent. Vers 9 heures, c’est le moment. Un petit déjeuner rapide entre les 💦, on plie la ⛺️ et on continue notre chemin.
Tantôt piste caillouteuse, tantôt route asphaltée, chaque mile parcouru nous rapproche de l’Océan Arctique dans des décors de plus en plus sauvages. L’immensité et l’austérité nous sautent aux yeux juste après le passage du col Atigun qui culmine à 1 400 m d’altitude. Les montagnes de Brooks nous entourent. Nous serpentons dans de très larges vallées glaciaires. Alors là, ça ne rigole plus 😲. C’est à la fois magique et d’une certaine façon terrifiant. Rien à voir avec les jolis lacs émeraude des rocheuses canadiennes. On imagine aisément la rigueur de l’hiver dans cet environnement hostile isolé du reste du monde.
Surtout ne pas tomber en panne ! Allez Chouchou, c’est bien !
Le serpent argenté et les « 18-wheelers » nous rappellent toujours et encore que c’est grâce à l’or noir que nous, voyageurs, pouvons découvrir des endroits aussi sauvages. Ces signes de vie qui, il est vrai, dénaturent la beauté du paysage nous rassurent et nous aident à nous sentir moins seuls.
Des plaines verdoyantes à perte de vue, des lacs, des cours d’eau, il ne manque que quelques yourtes pour se croire en Mongolie. On n’y est jamais allé mais on a beaucoup lu ! 😉
Vers 18 heures, on s’arrête sur une aire de bivouac pour passer la nuit. Deux ou trois voitures de touristes ont choisi la même option que nous. Nous sommes à 300 m les uns des autres.
Chouchou est dans un état lamentable mais c’est le best. Il est passé de gris à couleur sable.
On ne traîne pas trop pour souper car de gros nuages noirs arrivent vers nous. On déplie notre mezzanine.
Au menu : courgettes, restes de spaghettis, yaourt banane et raisins. Il fait frisquet, il y a du vent.
À 21 heures 30, nous sommes sagement installés au chaud dans notre mezzanine sous notre couette et notre gros duvet.
Le vent forcit au cours la nuit, on croit que la tente va s’envoler. Fort heureusement, elle reste en place. On se lève au moins 6 fois pour aller faire pipi, pourtant on n’a pas picolé plus que d’hab. Mettre la doudoune, le bonnet, ouvrir la porte, enfin la fermeture de la tente, mettre les chaussures, descendre l’échelle, admirer le ciel qui vire au rouge vers 3 heures, s’emparer du 📸 pour immortaliser l’instant magique, remonter, se re-déshabiller, se re-glisser sous la couette… et ré-essayer de s’endormir jusqu’au prochain pipi… Une véritable expédition ! Six expés à notre actif pour cette nuit ! Encore heureux, il ne pleut pas.
Eric me réveille à 8 heures 30 ⏰! Punaise, j’ai l’impression que je viens de commencer ma nuit. Mais il faut y aller, on a encore 237 km de piste dont les 75 derniers de travaux pour atteindre l’océan Arctique.
C’est couvert, il fait toujours du vent et parfois le soleil perce les nuages, les couleurs sont magnifiques. Il tombe quelques gouttes, c’est parfait, là poussière restera au sol. Et Chouchou avance lentement mais sûrement, slalomant entre les cailloux, les bosses et les nids de poule, le pire étant la tôle ondulée, la même qu’Eric a connu en Algérie à la fin du XXe siècle (Lol) dans le massif du Hoggar (tous les jours il me parle de sa tôle ondulée … 😤).
On aperçoit une quinzaine de caribous 🦌 . Quels bois ! Impressionnants !
Des prairies verdoyantes à perte de vue...
Les 75 derniers kilomètres. On savait qu’on allait devoir « affronter » les zones de travaux. Ici, pas de feux pour la circulation alternée, on doit attendre la voiture pilote et la suivre. Satanée voiture pilote, on l’attend pendant 30 minutes. Elle arrive enfin. On va pouvoir avancer de quelques kilomètres. On arrive au terme de la Dalton Highway à 15 heures…
Un grand 👏👏👏👏 à Chouchou mais également à Eric qui nous a permis d’arriver sans casse à destination.
Mon rôle est de scruter l’horizon à la recherche des animaux sauvages.
Un très joli 🌈 nous accueille.
La piste se termine à Prudhoe Bay. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un village. C’est un immense complexe pétrolier qui abrite une centaine de personnes. Ni école, ni réseau routier… On travaille ici 12 heures par jour, 7 jours par semaine. Un rythme temporaire puisqu'après deux ou trois semaines sur le site, les travailleurs regagnent leurs villes en avion et s’accordent 1 ou 2 semaines de vacances. Nous sommes impressionnés par la propreté des bâtiments et des lieux en général. Tout est surélevé en prévision du long hiver et des chutes de neige.
C’est ici que le serpent argenté du pipeline trans-Alaska prend sa source avant de se glisser vers le sud du territoire jusqu’à Valdez.
On prend un mini-trip qui nous permet de rentrer dans la zone interdite. En compagnie d’une dizaine d’autres touristes, essentiellement des américains, nous prenons place dans un 🚌 qui va nous permettre de rejoindre la mer de Beaufort, soit l’Océan Arctique.
L’eau est glaciale ce qui n’empêche pas quelques « fous furieux » de se tremper entièrement. On se contente d’y tremper les pieds vu que le docteur Brunel, notre médecin, est assez loin ! On préfère éviter le rhume. 🤧 Pour ma part je « trempe » un peu plus que les pieds car Eric se voit arracher la casquette par le vent ! « Mu, ma casquette vite »… 😱 Evidemment, le coquine se pose sur l’eau et commence à dériver vers le large… Et c’est qui qui s’y colle ? 😖 Sa belle casquette de Los Angeles, elle n'allait pas finir sur la tête d’un ours polaire tout de même !
18 heures. On décide de dormir sur place. C’est sans compter sur la voracité des moustiques alaskiens ! Sacrés bestiaux ! Ils nous assaillent dès qu’on quitte Chouchou. Finalement, on va aller un peu plus loin pour le bivouac. On reprend la piste de l'aller. A 19 heures, les travaux sur la route (piste) sont interrompus. Il n’y a quasiment plus de camions et vu que le soleil ne se couchera pas ce soir, nous roulons.
Peut-être apercevrons nous un grizzli (des chasseurs en ont vu un qui traversait la route quelques heures auparavant). Non, on voit « seulement » des caribous, des marmottes et des bœufs musqués qui ressemblent à des bisons.
Un mastodonte de camion arrive face à nous. Il va ralentir à notre hauteur. Ben non ! De la poussière et… Clic, clac, clic, clac… 😱 Non pas les gravilloooons ! Ben si ! Il y en a un qui laisse sa trace sur notre pare-brise tout neuf ! Il est baptisé : un bel impact au niveau du conducteur. Putain de camion ! Ce que nous redoutions est arrivé ! Bon, ce n’est pas non plus la fin du monde. On avisera pour la réparation dans les jours à venir, vu que le « trou » ne semble pas gêner la conduite…
Sur un point haut, en bordure de route, nous retrouvons deux « cellules » de deux couples de québécois qui font le même parcours que nous (jusqu’à Ushuaïa). Nous nous suivons depuis Chicken, la ville du « poulet ». On s’arrête pour « jaser » un petit moment avec eux. Il est 23 heures 30, le soleil, positionné à l’ouest, flirte avec l’horizon mais sans se cacher. Il continue sa progression vers le pôle, puis vers l’est tout en restant au-dessus de cette ligne. C’est pour cette raison qu’il fait jour en pleine nuit !
Vers minuit, nous arrivons au bivouac. Il ne fait pas chaud, il y a encore beaucoup de 💨mais nous ne souffrons pas des moustiques. Tente de toit dépliée, repas vite expédié (raviolis, fromage, fruits et yaourt). Nous nous couchons vers 1 heure 30 comme les « djeuns ».
Grasse mat jusqu’à 8 heures 30. Il nous faut environ 1 heure et demi pour « décoller » : plier la tente de toit, prendre le petit déj, remballer table et chaises, faire un peu de rangement dans Chouchou.
Peu après le départ, nous avons la pluie qui nous accompagne pendant une bonne partie de la journée. Nous nous arrêtons juste avant Fairbanks pour dormir.
Chouchou est passé du gris, sa couleur originelle, au beige sable avec la poussière et maintenant au caca d'oie avec la boue… Beurk ! 😬
Chouchou, tu t’es comporté comme un chef durant ces quatre jours de piste difficile. ✌️ Les seuls souvenirs que tu garderas sont les 1 400 km de plus au compteur et un impact sur ton pare-brise.
Eric, toi tu t’es comporté comme un vrai capitaine, tu as bien géré. Tu ne m’as pas laissé le volant car t’as du avoir peur que j’explose une roue… Ah confiance, quand tu nous tiens !